Histoire et origine du Shitō-Ryū
-La volonté d'enseigner de Maître Mabuni
Les débuts de Maître Mabuni au Japon furent durs, car il était très moqué à cause de son accent
de la "campagne" car il venait d'Okinawa et parlait son dialecte.
Il trouvera une aide en la compagnie de Maître Funakoshi, fondateur du shotokan.
Ce dernier était mal vu par Motobu Chōki, de sang royal, fondateur du Motobu-Ryū.
Il disait que Me Funakoshi faisait de l'art et n'effleurait que la surface du karaté.
Maître Motobu était considéré comme le plus fort combattant du Japon malgré son côté très belliqueux,
qui n'hésitait pas à déclencher des bagarres avec quiconque se serait pris pour le plus fort.
Mais malgré son caractère, Motobu avait beaucoup d'estime Maître Mabuni et disait de lui qu'il était
le plus compétent et que ses connaissances en To-De étaient les plus profondes.
Me Mabuni Kenwa pensait que toute personne honnête et intègre méritait d'avoir la possibilité
d'apprendre le To-De ("la main de Chine"). Beaucoup d'autres maîtres de l'époque partageait son avis.
Alors qu'il était totalement interdit de transmettre cet art car jalousement gardé par certains, tel un secret.
Me Mabuni deviendra professeur de l'école Départementale des Pêches en 1918, et créera son premier club
de recherches en karaté en 1925. Ce laps de temps lui permit d'apprendre l'enseignement et comment le dispenser.
Me Mabuni et Me Miyagi se partageaient la tâche de professeur principal.
Ce dojo se trouvait derrière la maison de Me Mabuni et était constitué de multiples outils de travail, à savoir :
* des Makiwaras (planche de bois recouverte de cordages que l'on frappait avec les kentos, afin de fortifier ses mains)
* des Sage-Makiwaras (prononcé [sa-gué], qui étaient des makiwaras suspendus)
* Yoko-Bo-Makiage (makiwaras horizontaux pour frapper du poing en Tetsui)
* des Getas en fer (prononcé [gué-ta], qui sont des chaussures japonaises)
* des pierres à soulever
* des haltères
* des Sai
* des boîtes de sable
* etc...
Me Mabuni pensait dur comme fer, qu'un entraînement de karaté devait être un renforcement physique,
et qu'une poigne de main forte était essentielle pour bien pratiquer le karaté.
Me Mabuni partit à Tōkyō vers juin 1927, peu après la naissance de son fils Kenzō,
le 30 Mai 1927, afin de populariser ce qu'il avait appris jusqu'à présent,
sous l'impulsion de Me Jigoro Kano, fondateur du Judo.
En effet, suite à l'ouverture du Dojo de Judo d'Okinawa, Me Mabuni et Me Miyagi feront une démonstration
devant Me Jigoro Kano, qui leur conseillera vivement de développer leur enseignement sur tout le Japon.
Me Kano tint ses mots à Me Mabuni et Me Miyagi :
"Vous devez diffuser dans tout le Japon cet art martial idéal, fait d'attaques et de défenses libres"
En 1927, il rencontrera un maître visionnaire et influent, en la qualité de Yasuhiro Konishi 康裕 小 (né en 1893).
Possédant un dojo à Tōkyō, il y accueillera de nombreux maîtres comme Mes Ueshiba Morihei (Aikido),
Funakoshi Gichin (Shotokan), Nakayama Hakudō (Iaidō), Miyagi Chojun (Goju-Ryu),
Motobu Choki (Shuri-Te) et bien entendu Mabuni Kenwa.
Me Konishi (japonais d'origine) maîtrisait de manière aguerrie le Kendo, le Jujitsu, le Judo et l'Aikido,
qui sont des arts martiaux développés au Japon depuis longtemps.
Me Mabuni intègrera son dojo ouvert en 1924 (3 ans d'existence) et aura une influence certaine sur lui,
car il résidera chez lui à Tōkyō pendant une dizaine de mois, ce qui lui permettra
de s'entrainer avec lui, Me Mabuni y apprenant des techniques sur le kendo entre autres.
Il partit peu après 1927 à Ōsaka afin d'en faire son travail à temps plein et d'enseigner son style
qu'il appellera au début Hanko-ryū (ou style "semi-dur").
Il cherchait la reconnaissance du Budokukai japonais
(qui était l'équivalent de notre FFK actuelle, mais au Japon de l'époque).
Les Maîtres du To-de de l'époque convinrent de le nommer "Karaté" pour la première fois
afin que cela sonne plus japonais que "main de Chine" et soit accepté plus facilement par le peuple.
En 1929 et pour rendre hommage à ses maîtres, Itosu et Higaonna, il décida de nommer son style Shitō-Ryū.
En effet le premier Kanji de Itosu et Higaonna, donnèrent 糸 et 東 qui pouvait se lire "Shi" et "Tō".
Ryū signifiant "école", "mouvement" ou "style", d'où le nom de Shitō-Ryū.
C'est aussi à cette époque que Me Mabuni créera le kata "Hiji Ate Goho"
qu'il rendra le plus accessible possible pour en faciliter l'apprentissage à tous.
Il s'installe officiellement à Osaka vers Avril 1929 selon les dires de son fils (Me Mabuni Kenzo).
Son style d'origine chinoise était très mal vu par la population japonaise qui voyait d'un mauvais œil
ce style venu de Chine. Le royaume de Ryūkyū étant déchu, les japonais gardaient en tête le souvenir frais
d'un royaume qui commerçait avec la Dynastie Ming au détriment de l'Empire Japonais.
De plus le Japon venait d'annexer Formose (Taïwan) en 1895, et la Mandchourie en 1905.
Le Japon était très aversif contre les chinois à cette période et Maître Mabuni était vu comme un chinois.
Son style très fluide n'ayant pas aidé, car fortement influencé par la Chine (Shaolin, etc...).
Madame Mabuni, femme de Me Mabuni Kenwa, était extrêmement dévouée à sa cause.
Vous n'en entendrez sûrement jamais parler ailleurs, mais le matin Me Kenwa
sortait de sa maison pour frapper la makiwara, et s'il arrivait qu'il pleuve,
elle sortait avec Mabuni Kenzo (son fils) sur le dos, et portait une ombrelle en papier
pour éviter que Me Kenwa ne tombe malade et puisse continuer l'entraînement.
Me Miyagi Chōjun, son Dojo-kyōdai 道場兄弟 « frère de dojo », lorsqu'il venait à Osaka,
dormait toujours chez Me Mabuni, et leur conversation duraient jusqu'à tard le soir.
Un soir, Me Miyagi annonça à Me Mabuni qu'il avait créé un nouveau kata,
le kata Tenshō, Me Mabuni le félicita longuement et apprit le kata dans les jours qui suivirent.
Il ouvrira son Dojo dans le courant de l'année 1934, le « Yoshukan Dojo »,
où il poursuivra son enseignement malgré l'adversité et l'indifférence.
Ce nom a été repris pour créer le nom de notre club, le Karaté-Dō Shitō-Ryū Yoshukan Dojo.
Il créera le kata "Shinsei" basé sur les katas Gojū-Ryū "Gekisai Dai Ichi" et "Gekisai Dai Ni",
katas créés par Me Miyagi, ami de Me Mabuni.
Me Mabuni fera de nombreuses représentations publiques de son style afin de sensibiliser les gens,
et les amener à apprécier ce style, il donnait très régulièrement des leçons gratuites de son style
auprès des stations de police d'Osaka, et tout l'Ouest du Japon (plus ouvert d'esprit que l'Est à cette époque).
On peut lui reconnaître là une véritable volonté de transmission !
On ne peut qu'être admiratif d'une telle persévérance !
(rédigé par Armand SELLIER, membre du KDSR)
